« Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. » Cette sentence, jetée comme un défi par Birahima, l’enfant-soldat d’Ahmadou Kourouma, résume l’absurdité cruelle des guerres civiles africaines. Dans Allah n’est pas obligé et Quand on refuse on dit non, Kourouma invente une langue, un français déglingué, mêlé d’argot et de proverbes malinkés, pour donner une voix à l’innocence sacrifiée. À travers le regard de ce gamin cynique et lucide, il dissèque les mécanismes du chaos : l’héritage colonial empoisonné, la fracture identitaire de l’« ivoirité », la corruption érigée en système de gouvernance.
Cet ouvrage commence par une plongée dans l’univers kouroumien. Il montre comment la fiction, mieux que tout discours, révèle les conséquences psychologiques et sociales des conflits : la désensibilisation à la violence, l’effondrement du tissu social, la manipulation de la mémoire collective.
Puis, dans un audacieux changement de perspective, l’auteur braque le miroir de Kourouma sur un autre géant en souffrance : la République Démocratique du Congo. Il y découvre des dynamiques sinistrement similaires. La « congolité » y joue le même rôle excluant que l’« ivoirité » ; les dialogues nationaux stériles rappellent les manipulations linguistiques des élites ivoiriennes ; et le contraste obscène entre Kinshasa la fêtarde et l’Est du pays en sang illustre un abandon d’une brutalité inouïe.